De la Commedia dell'arte jusqu’au Guignol que nous connaissons aujourd’hui


Naissance et propagation d’un personnage antique


Pulcinella de la Commedia dell`arte


Le terme italien commedia dell'arte, utilisé dans de nombreuses langues, dont le français, signifie théâtre interprété par des gens de l'art, des comédiens professionnels.

Ce type de théâtre populaire italien est apparu vers 1545 avec les premières troupes de comédie avec masque. Les représentations ont alors lieu sur des tréteaux, les acteurs improvisant leur texte à partir d'un canevas (scénario réglé d'avance). Ainsi, le comique était principalement gestuel (pitreries) et certains personnages étaient obligatoires.

Maccus



Pulcinella, plus connu en France sous le nom de Polichinelle, était l’un d’entre eux. Pulcinella (signifiant bec de poulet) est en réalité né à Naples, lors de l’Antiquité. Il est certain que les Romains le connaissaient au temps de la République : il s'appelait alors Maccus, et les farces du théâtre romain étaient pleines de ses exploits ; on a retrouvé aux environs de Naples une figurine de bronze antique qui représente Maccus sous la forme d'un personnage au long nez crochu, bossu par devant et par derrière. Pulcinella est donc un personnage antique et classique, il avait même alors ce bredouillement caractéristique qu'il a conservé jusqu'à nous et qui le distingue des autres marionnettes.



Marionnette de Pulcinella


Dans la comédie italienne, Pulcinella, qui depuis est devenu une marionnette de bois, était un personnage, avec Pierrot, Arlequin, Colombine et bien d’autres, hâbleur, cynique et dépravé. Le Pulcinella napolitain est un personnage au nez crochu en bec d'oiseau, grand et mince, sans bosses, vif et bruyant ; il porte le demi-masque noir, un bonnet gris pyramidal, une camisole blanche sans fraise, un large pantalon blanc serré à la ceinture et plissé. Il berne Cassandre, dont la bêtise a égayé l'Italie pendant des siècles.






Passage en France
Polichinelle


Dès 1607, peu après le mariage d’Henri IV et de Marie de Médicis (d’origine italienne), les historiens possèdent des traces de la présence d’un certain Pierre Datelin, dit Brioche, qui reçut l’autorisation de poser ses tréteaux au Pont Neuf, à Paris. Il aurait été un « opérateur pour les dents » et attirait sa clientèle par de courtes scénettes de marionnettes. Ses origines comme sa naissance restent floues, même si la connotation ultramontaine de Briocci, un de ses surnoms, donnait à penser qu’il était italien. Il est à l’origine d’une véritable dynastie de marionnettistes entre 1640 et 1740 environ.



Marionnette de Polichinelle



Son fils, Jean Datelin, dit Brioche, était dentiste rue Dauphine, c’est-à-dire arracheur de dent, et est considéré comme l’inventeur « des poupées domestiques à la main » et surtout du Polichinelle, descendant direct du Pulcinella italien. Tout comme son père, il faisait venir son public grâce à ses marionnettes, accompagné d’un musicien. Celles-ci prirent petit à petit le pas sur son métier de dentiste et devinrent très célèbre dans tout Paris au point que leur créateur « fut appelé à l’honneur d’amuser à Saint-Germain-en-laye le Dauphin et sa petite cour » en 1669.





Polichinelle ressemble peu au Pulcinella d’origine dont il ne garde que la bosse dorsale. Il est richement habillé à la mode du 17ème siècle et ressemblerait à Henri IV, tant physiquement (vêtement, nez busqué, ventre proéminent) que moralement (parlant beaucoup, aimant les femmes et la bonne chère).

Il parle beaucoup et fort, mais sans utiliser la pratique qui lui donnerait la voix nasillarde de Pulcinella. C’est un pétomane invétéré. Il reste matamore, narquois, batailleur, fanfaron, et chante : 

« Quand je marche, la terre tremble. C'est moi qui conduis le soleil ». 


Naissance de Guignol

Laurent Mourguet



Guignol naît en 1808 des mains de Laurent Mourguet (1769-1844), ancien canut (ouvrier de la soie) de Lyon. A la suite de la crise économique frappant le commerce de la soie après la Révolution Française, le jeune Mourguet se retrouve obligé de trouver du travail comme colporteur puis arracheur de dents de foires en marchés. Afin de pratiquer sa « médecine » et de vendre ses onguents, il joue de petites scénettes de Polichinelle, tout comme Jean Datelin avant lui.

Ayant sans doute plus de public que de patients, il opte pour une carrière de marionnettiste professionnel et s’accompagne d’un musicien, Grégoire Lambert Ladré, dit le père Thomas, amuseur public et joueur de violon. Suite à une brouille, il se sépare du père Thomas et crée une première marionnette à l’effigie de son ancien compère qu’il accompagne bientôt d’une autre marionnette, véritable autoportrait : Guignol et Gnafron sont nés.



Marionnette de Guignol


Les origines du nom de Guignol restent incertaines malgré de nombreuses recherches. Plusieurs hypothèses sont retenues :
  • Il viendrait de l’expression locale “c’est guignolant !”, traduction de “c’est amusant !” pour les uns et “c’est ennuyeux !” pour les autres.
  • Il serait d’origine italienne. Un homme issu de la ville de Chignolo, en Lombardie, et installé à Lyon, aurait marqué son entourage. Gnafron, compagnon de Guignol, ne l’appelle-t-il pas “Chignol” ?
  • Pierre Rousset, auteur de pièces de Guignol à la fin du 19e siècle, affirme qu’un certain Jean Guignol, bien réel, aurait servi de modèle au marionnettiste.


Guignol rencontre un vif succès auprès des adultes. Ses aventures racontent avec humour les péripéties du petit peuple lyonnais, entre crise et débrouille, et s’autorisent la satire des pouvoirs publics.

Il porte les habits de dimanche d’un ouvrier du début du XIXème siècle, sans oublier son chapeau de canut et son « salsifis », sa tresse de cheveux enrubannés. Il est armé de la tavelle, son bâton, fendu sur toute sa hauteur afin qu’elle claque fortement à chaque coup.

Guignol deviendra très vite une marionnette nationale et plusieurs familles s’occupent aujourd’hui de théâtres de Guignol aux quatres coins de la France.


 



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